« Mai 1937 Barcelone »
Le
Centre toulousain de documentation de l’exil espagnol (CTDEE) a
consacré, en juillet dernier, un excellent numéro de sa revue, Les Cahiers du CTDEE,
aux événements de mai 1937 à Barcelone. Nous avons rencontré
Amado Marcellán, l’un des animateurs de la revue, qui a accepté de nous
présenter ce numéro 7 intitulé Mai 1937, Barcelone.
CAD - Pourrais-tu rappeler, tout d’abord, ce qu’est le CTDEE, et quelles sont ses activités ?
Amado
Marcellán – Ce centre de documentation sur l’exil espagnol est né, en
2007, comme une suite des rencontres qui se produisaient annuellement à
Toulouse, le 19 juillet à partir du milieu des années 40, et cela
jusqu’à la fin de la dictature franquiste. En effet, le 19 juillet, les
exilés libertaires se réunissaient tous les ans pour commémorer la date
de la révolution espagnole avec un meeting, des prises de paroles, des
spectacles de musique, de chant ou de théâtre. Si la date du 19 juillet
tombait un dimanche, c’était tant mieux, sinon on choisissait le
dimanche le plus proche du 19 juillet. Seule la date du 18 juillet était
bannie puisque que c’était la date du coup d’état franquiste.
Avec
la fin de l’exil, des enfants de militant-e-s libertaires – j’en suis –
ont créé ce centre de documentation afin de continuer à organiser
cette commémoration. Ils y ont réuni des archives, des journaux
et des publications militantes liés à l’histoire de l’exil
libertaire de leurs parents. C’est ainsi que le CTDEE a aujourd’hui un
local situé à côté de la gare Matabiau, non seulement pour fêter le 19
juillet, mais aussi pour développer d’autres projets mémoriels et
culturels.
Puis
il nous est apparu que ce centre devait aussi être un lieu de création
ou de production de textes, d’analyses. Voilà comment sont nés les Cahiers du CTDEE :
une revue semestrielle qui essaie d’apporter des témoignages et des
regards susceptibles d’éclairer les mémoires de l’exil en référence à
l’histoire de la guerre et la révolution espagnoles.
D’une
manière générale, nous voulons éviter d’entrer dans une logique
mémorielle qui se contente de faire appel à la mémoire affective, en
procédant à la victimisation des acteurs de l’histoire. Nous voulons
aussi travailler sur les faits historiques, sur l’écriture des
événements et réfléchir à la mémoire qu’on en a conservée.
CAD
- C’est donc une démarche qui part de la mémoire individuelle et
familiale de cette expérience d’exil des libertaires à Toulouse
mais qui développe aussi un travail critique de confrontations de débats
sur l’interprétation de cette histoire : c’est cela ?
A. M. :
Oui. En histoire comme toutes choses, il y a des hégémonies. Or ce que
nous souhaitons faire au CTDEE, c’est précisément contester ces
hégémonies pour montrer qu’il y a eu d’autres regards, d’autres
possibles, qui ont perduré dans l’exil et qui gardent une actualité.
Autrement dit, nous cherchons à rendre compte des conceptions du monde
qui se sont affrontées. On pourrait croire que les conflits de
représentations qui ont agité les Espagnols durant les années 30 et les
années 40-60 en exil, font partie du passé. Nous pensons au
contraire que les enjeux de ces conflits sont restés actuels et qu’il
est important de croiser les regards. Aussi, au-delà de ce premier
groupe toulousain qui était à l’origine du projet, Les Cahiers du CTDEE
ont fédéré des personnes soucieuses de dépasser les représentations
officielles de l’histoire contemporaine de l’Espagne.