En quelques années, le mariage homosexuel a recueilli l'assentiment de beaucoup de gens. La voie est maintenant ouverte à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour toutes. Et la Grossesse Pour Autrui (GPA) au bénéfice de tous les couples ne devrait plus tarder à suivre non plus. On se fait croire que, sous prétexte d'égalité entre les couples hétérosexuels – qui ont droit à la PMA en cas d'infertilité – et les couples homosexuels – qui sont par nature infertiles – il convient d'étendre la légalisation de la PMA pour toutes les femmes. On oublie au passage, avec une grande désinvolture, que ce ne sont pas les couples homosexuels qui deviennent par miracle fertiles, mais la biotechnologie qui fabrique des enfants qui ne sont pas ceux des parents officiellement reconnus comme tels, c'est-à-dire les femmes qui les ont voulus. En un tour de passe-passe digne d'un bon prestidigitateur, on fait passer les enfants d'un homme et d'une femme pour les enfants de deux femmes, ceci pour légitimer le désir d'enfant de deux femmes homosexuelles. Car le désir d'un individu doit passer avant toute autre considération dans le monde qui est devenu le nôtre. Comme le dit Marie-Jo Bonnet (Les gouines rouges, FHAR) : « La société est devenue un agrégat de consommateurs dont certains ont assez d'argent pour se payer l'impossible : avoir un enfant sans l'autre sexe. »
Par quel miracle un tel délire s'est-il installé dans autant de têtes ? D'une façon irrémédiable, qui plus est. Car tout ceci est présenté comme obligatoire, puisqu'il s'agit du sens même de l'Histoire, nous dit-on. La "roue crantée du progrès" ne permet plus de retour en arrière. On peut revenir sur les 35 heures, sur l'âge de la retraite, mais pas sur le mariage pour tous ni sur la PMA pour toutes. Cette idée du "sens de l'Histoire" est si ancrée dans les têtes malléables de nos temps cramoisis qu'on voit mal comment on peut susciter un peu de retour à la réflexion chez la foule progressiste ... en marche.
Pour éviter une ambiguïté toujours possible, précisons que ce qui est gênant ici, c'est la dissolution du réel dans un charabia idéologique des plus inconséquent. Il n'y a pas, pour nous, d'un côté une Nature éternelle et intouchable qu'il faudrait respecter à tout prix, et de l'autre la "vilaine" technologie qui contribue à la détruire. La technique a toujours été présente dans l'aventure humaine. Mais dire aujourd'hui que deux femmes homosexuelles sont (seulement) socialement infertiles, comme le prétendent certaines néo-féministes, et non pas biologiquement infertiles est un discours mensonger (volontairement ou involontairement). La vérité, c'est que deux femmes homosexuelles ne peuvent enfanter que grâce à la technologie et au Droit qui légalise cet apport technologique, sans lequel rien de cela ne serait imaginable. En venir à instaurer une fertilité imaginaire entre deux femmes porte atteinte à des constructions mentales ayant cours depuis des millénaires, comme le lien entre la différence des sexes et l'enfantement. Cette atteinte [d'autant plus grave qu'à la suite des néo-féministes en question, des LGBT, du gouvernement Macron une part importante de la population s'est résignée aux avancées progressistes] aboutit à se dire : « finalement, pourquoi pas ? » Si la PMA pour toutes restait interdite ce serait même dans leur esprit une atteinte à un ordre qui va de soi. Cet ordre, qui plus est, est tout à fait "scientifique", pour reprendre le mot de B.P. Preciado. « Dans cette nouvelle conception de la lutte contre les inégalités, les différences sexuelles dans le processus de procréation, le fait de pouvoir porter ou non et mettre au monde un enfant peuvent être considérés comme une « inégalité » fondamentale entre les femmes et les hommes, entre les lesbiennes et les homosexuels, sans parler des «trans» et des «bi». À la limite, certains pourraient penser qu'une procréation, une gestation et une naissance qui seraient totalement désincarnées mettraient tout le monde sur un même plan d'égalité » écrit Jean-Pierre Le Goff. Celui-ci voit plus loin que la plupart des partisans de la PMA pour toutes. Il s'agit bien de cela à terme : trouver une solution technologique aboutissant à l'abolition des sexes : la fabrication de gamètes unisexes et d'utérus artificiel. Le rêve pourrait donc se transformer en réalité, les thuriféraires de la PMA pour toutes ne supportant pas que la réalité contredise l'idéologie. Quand on lit de la plume de Paul Béatriz Preciado (1), que « en terme biologique, affirmer que l'agencement sexuel d'un homme et d'une femme est nécessaire pour déclencher un processus de reproduction sexuelle est aussi peu scientifique que l'étaient autrefois des affirmations selon lesquelles la reproduction ne pouvait avoir lieu qu'entre deux sujets partageant la même religion, la même couleur de peau ou le même statut social » on ne peut que tomber de sa chaise. Les billevesées les plus extravagantes passent aujourd'hui, et dans des milieux de plus en plus vastes, pour des originalités brillantes pourvu qu'elles aillent dans le "sens de l'Histoire" proclamé par certains. « Il est des idées d'une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire. » écrivait George Orwell. Tant il est vrai que ce sont des intellectuels qui ont été les premiers touchés par la grâce de ces très fumeuses théories. N'y aura-t-il aucun enfant qui, entendant ces flots d'absurdités, dira : « ... le roi est nu ! », confondant ainsi la foule des idolâtres ? Mais « de tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd'hui », disait Vladimir Jankélévitch en 1987. En matière de non-conformisme, on peut dire qu'on crève le plafond, et le peuple est nombreux à bêler en troupeau pour donner son accord "rebelle", "passionné" et bien-pensant. C'est tellement plus « fun », disent-ils tous en cœur.
Pourquoi donc serions-nous, avec la PMA pour toutes les femmes, dans le fameux sens de l'Histoire ? C'est une question qu'on peut se poser, puisque c'est la réponse et le sentiment les plus fréquents que l'on a chez ceux qui acquiescent à cette plongée dans l'inconnu. La direction avait été donnée il y a déjà longtemps avec la pilule anticonceptionnelle qui autorisait une dissociation entre l'acte sexuel et l'enfantement. Rapidement, l'opposition fit rage entre ceux qui criaient au progrès – toujours prétendument inévitable – et ceux qui vociféraient contre l'effondrement de l'ancien mode de vie. Du moins, c'est ce que ces derniers clamaient. Car, comme les plus avisés le faisaient remarquer à l'époque, d'une manière très naturelle, les rapports sexuels n'impliquent pas toujours l'enfantement. S'il faut un rapport pour avoir un enfant, le fait est que les rapports sexuels ne sont pas toujours fertiles. Et loin s'en faut. Le plaisir sexuel est indépendant de l'enfantement, il n'y pas de lien entre la fécondité et le plaisir. C'est ainsi chez les humains, ce qui n'est apparemment pas le cas chez les autres animaux pour lesquels une pulsion naturelle pousse le plus souvent le mâle à la copulation seulement au moment où la femelle est féconde (2). La pilule ne fait finalement que se mouler dans cette dissociation en diminuant le taux de rapports féconds, elle allait finalement dans le sens voulu mais ne contredisait pas radicalement un processus selon lequel les hommes et les femmes recherchent le plaisir sexuel. Dans toutes les civilisations on savait ce que la sexualité avait de particulièrement jouissif. C'est précisément pour cette raison que certaines religions ont voulu canaliser cette pulsion qui poussent les femmes et les hommes à l'accouplement. En sorte que ceux qui, à l'époque, s'opposaient – et ceux qui s'opposent toujours – à la contraception se basent essentiellement sur des postulats de nature religieuse. Ou moraux tout au moins. Les religions monothéistes issues du judaïsme, par exemple, ont particulièrement réprimé la sexualité pour n'en retenir que la procréation à laquelle elle donnait lieu. Le mariage, selon ces conceptions, donne droit à la copulation (3) et la copulation doit se faire seulement dans ce but d'aboutir à l'enfantement. Qu'avons-nous avec les féministes, les LGBT et les progressistes d'aujourd'hui ? Les constructions sont totalement arbitraires chez eux, puisque le but est que les couples de femmes homosexuelles soient amenés à la fertilité. Ce qui n'a évidemment jamais été le cas et ne l'est toujours pas. On admire les distorsions de langage pour ne pas dévoiler le pot aux roses. Non, ce n'est pas l'enfant de ces femmes... biologiquement. Mais d'intention !
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Ah, l'intention suffit pour enfanter ? On se gausse de mots. Ce n'est pas seulement l'intention, c'est surtout la biotechnologie qui permet ce qui est en train de se faire, à savoir la possibilité d'une grossesse à un couple de femmes homosexuelles ou à une femme seule alors que cet enfant a été conçu – non pas le plus naturellement du monde certes mais tout de même – à partir d'un gamète mâle et d'un gamète femelle. Et non pas de deux femmes. De même pour les femmes seules auxquelles il sera loisible d'avoir un enfant... toute seules. Elles vont devoir croire que l'enfant n'a pas de père, alors que celui-ci existe bel et bien, mais il est enlevé, gommé purement et simplement de la réalité sociale manipulée par ces croyants au Meilleur des Mondes.
Il faut noter ici un aspect important que l'on n'a pas encore évoqué. Le problème de l'eugénisme. Certains – parmi lesquels des médecins – disent que les couples d'homosexuelles ne demandent en rien l'eugénisme. Ils ne demandent pas des enfants selon leurs goûts, mais seulement des enfants. C'est sans doute vrai. Cela devrait rassurer ceux qui, au contraire, voient dans la PMA une évolution, une porte ouverte dans ce sens de l'eugénisme. Mais ce qui pose problème, et que ces médecins "compatissants" ne veulent pas voir, c'est que dans les pays les plus avancés, les plus libéraux, on en est déjà à l'eugénisme ! puisqu'on peut choisir un enfant comme ceci ou comme cela, presque à la carte, en fouillant dans l'ADN. La voie est donc toute tracée. C'est ce refus de voir que la porte est ouverte dans ce sens-là qui constitue de l'aveuglement. Le professeur Testard confie que : « La PMA est intrinsèquement liée à la sélection et donc à l'eugénisme : dès lors qu'on choisit un donneur, il faudrait vraiment être idiot pour retenir un alcoolique ou un homme ayant des antécédents familiaux chargés. » Et ceci n'est qu'un premier pas, car il ajoute : « Si la PMA est ouverte en dehors des indications médicales [et c'est l'objectif aujourd'hui], les gens voudront la PMA non plus seulement pour avoir un enfant, ce qu'ils peuvent faire naturellement, mais pour avoir tel enfant : garçon ou fille comme aux Etats-Unis, ou avec un certain QI comme en Chine. La PMA non thérapeutique signifie donc la sélection des individus et, comme on choisit toujours bien entendu les meilleurs, l'eugénisme. » On en est réduit, par la logique qui nous amène toujours plus loin, à aller vers l'eugénisme. Beaucoup ne veulent pas voir, mais – ce qui est encore moins rassurant – d'autres en sont conscients et n'y voient pas de problème.
Autre question pour terminer : est-ce que tout le monde, dans le camp des partisans de la PMA pour toutes, est dupe ? Soyons sûrs que non. Évidemment, il y a les abuseurs abusés que sont les militants de la Cause, qui sont prêts à se persuader de n'importe quoi pourvu que cela corresponde à leurs désirs. Le refus de considérer que les processus naturels existent est la porte ouverte à tous les délires. Pensée qui est le B.A-BA de la politique du féminisme le plus moderne. Rien à voir avec ces féministes qui, réunies en Congrès Mondial en 1987, refusaient avec insistance, les considérant comme des aliénations majeures, le recours aux techniques de la PMA et de la GPA (4). Comme le dit Matthiew Crawford : « Le progressisme devient alors une guerre contre le concept même de réalité – ce qui n'est pas choisi et qui existe indépendamment de nos désirs – et je pense que c'est au cœur de la politique du genre. » Bien sûr, si « on ne naît pas femme et [qu']on le devient » – phrase de Simone De Beauvoir que les néo-féministes à la Judith Butler ont attrapé au vol et usé jusqu'à la corde – alors on peut admettre que le sexe des individus est arbitraire, et donc peut être choisi. Ce qui nous amène encore plus loin avec les transgenres qui, eux aussi, se font croire qu'ils ont vraiment changé de sexe. À suivre...
Mais revenons aux abuseurs qui, eux, ont toujours les pieds sur terre. Pour eux, tous nos politiciens libéraux – Macron et les siens en tête – savent bien que tout l'intérêt de ces gesticulations mentales (5) réside, entre autres, dans le rapatriement en France des opérations qui se font dans les cliniques belges, espagnoles, etc. Le cynisme est de rigueur ! Tout ceci «coïncide avec la domination de l'idéologie ultralibérale qui pose que la nature et le rythme des sociétés doivent se plier aux lois absurdes autant que nihilistes du changement pour le changement, de l'économie de profit (bouger pour survivre, muter pour bouffer l'autre) » (6). En ce sens, de juteux profits sont prévisibles par la promotion des idéologies néo-féministes et trans-identitaires. Pourquoi se priver ? Les libéraux n'ont rien à perdre : seuls quelques vagues "conservateurs" voudront lutter contre la loi. Mais l'air du temps n'est pas chez ceux-là. Le progressisme règne en maître et a imposé sa marque. Sauf que sous le progrès sociétal est la régression sociale, humaine. On est loin de la question primordiale que se posait Orwell : « il faudrait se demander : cela me rend-il plus humain ou moins humain ? » Aujourd'hui, l'humain est superflu si l'on en croit les adulateurs de ce néo-féminisme. La PMA pour toutes, c'est le progrès proclamé incontournable pour tous, de la droite libérale aux pseudo anarchistes (7), en passant par tout l'éventail de la gauche abusée (8). Pendant ce temps, les promoteurs se frottent les mains en songeant aux bénéfices et à la "croissance" qui se trouvent au bout de la mise en place de ces lois sur la PMA – d'où suivront bientôt celles sur la GPA. Évidemment, en toile de fond, les initiatives transhumanistes montrent le bout du nez. Sarkozy nous a fait déjà le coup avec le fameux « gisement de croissance » qui résidait selon lui dans la défense de l'environnement. Ah ! la croissance, les libéraux n'ont même plus à y faire allusion aujourd'hui. La PMA pour toutes – et tout le reste qui suivra – c'est bon pour la croissance. Mais... ni la croissance ni la PMA pour toutes ne sont bonnes pour les humains.
GUY M.
Note 1 : transsexuelle, femme devenue homme et apologiste de la "fluidité de genre"(gender fluid). Faiseuse d'articles dans le quotidien Libération qui ne mérite en rien son nom. Considérée dans Le Monde comme la « Galilée de la sexualité ». Galilée doit se retourner dans sa tombe ! En fait, la loi est faite pour répondre à la demande des lesbiennes et des femmes seules qui la demandent. Certaines d'entre elles allant en Espagne ou en Belgique tenter une PMA autorisée là-bas.
Note 2 : Peut-être est-ce bien là une spécificité humaine, ou des primates – on dit les chimpanzés et surtout les bonobos particulièrement enclins à la copulation. Pour le plaisir.
Note 3 : Mais sans qu'on s'abandonne à la chair, bien entendu.
Note 4 : Voir la revue Inventaire. Ou bien directement en anglais : Réseau féministe international de résistance aux techniques de reproduction et à l'ingénierie génétique, déclaration de Comilla Bengla Desh, 1989. http://ubinig.org/index.php/campaign/printaerticle/23/english
Note 5 : « La régression infantile, politique et infra éthique, où le bonheur consistera à consommer la réalisation des pensées magiques et des délires narcissiques sous la forme de produits marchands bien emballés. » Fabien Ollier, L'homme artefact.
Note 6 : Fabien Ollier, L'homme artefact.
Note 7 : « Quant aux traqueurs de la "domination sous toutes ses formes", équipés de détecteurs d'homophobie, de racisme, de sexisme, de fascisme et de toutes sortes d'infamies dont ils accablent leurs contradicteurs, ils ignorent la domination la plus massive et la plus universelle de l'époque, celle de la technocratie, sans doute trop puissante pour être captée par leurs radars "micro-politiques"» Pièces et Main d'œuvre, Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme.
Note 8 : voir l'excellent livre d'Alexis Escudero : La Reproduction Artificielle de l'Humain.
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