Cycle Conférence Débat :
L'EAU
Volet 1
"De La Ressource
Partagée Au Réseau Centralisé"
N.d.l.r. : ce document est
une synthèse bibliographique. Constitué pour l'essentiel d'extraits de
documents de divers organismes, institutions ou individus intervenant dans le
domaine de l'eau dont la liste figure
en dernière page. Son objectif unique était de disposer d'un certain nombre
d'informations à diffuser auprès d'une assemblée en vue d'amener et développer
un débat. Cela explique également une mise en forme particulière puisque prévue
initialement pour les animateurs du débat.
L’eau est une substance indispensable à la pérennité
de tous les êtres vivants : hommes, animaux et plantes, tous ont besoin de leur
ration quotidienne d’eau.
Mais l’eau est également une
ressource essentielle au développement des sociétés humaines. Celles-ci se sont
d’ailleurs fixées de tout temps au bord des cours d’eau comme l’atteste
l’implantation de la très grande majorité des centres urbains. Grâce à ses
propriétés exceptionnelles, l’eau est en effet nécessaire à toutes les activités
humaines, ou quasiment.
Ses usages se sont d’ailleurs intensifiés et les
volumes d’eau utilisés par l’homme ont décuplé depuis le début du XXe siècle.
L'EAU EST LE PRINCIPAL
CONSTITUANT DU CORPS HUMAIN
Quantité moyenne d’eau
contenue dans un organisme adulte :65 % ( 45 litres d’eau pour une personne de
70 kg).
La teneur totale en eau du corps humain dépend de plusieurs facteurs :
Corpulence : plus une personne est maigre, plus la proportion
d’eau de son organisme est importante.
Age : elle diminue avec les années, car plus les tissus
vieillissent, plus ils se déshydratent, l’eau étant remplacée par de la graisse.
À l’intérieur de l’organisme, l’eau n’est pas répartie uniformément.
Concentrations : 1 % dans l’ivoire des dents, 90 % dans le plasma
sanguin. Outre le sang, les organes les plus riches en eau sont le cœur et le
cerveau.
Le corps humain ne peut pas
stocker l’eau.
En effet, l’organisme élimine en permanence de l’eau
via les excrétions (principalement l’urine), la respiration (au moment de
l’expiration), et surtout la transpiration.
La quantité globale d’eau nécessaire à un adulte de
taille moyenne, vivant en région tempérée et ne fournissant pas d’effort
physique particulier, est d’environ 2,5 litres par jour dont
environ 1 litre est apporté par les aliments et 1,5 litre par les boissons.
Sans apport d’eau d’aucune sorte, il ne peut vivre plus de deux ou trois jours
; s’il boit sans manger, il peut survivre environ quarante jours, à condition
de ne fournir aucun effort.
La plus grande part de toute l’eau de l’organisme
siège à l’intérieur des cellules. Une autre partie occupe l’espace
intercellulaire, servant de réserve aux cellules et aux vaisseaux sanguins. Le
reste est contenu dans le sang et la lymphe, et circule en permanence dans tout
l’organisme.
Outre d’être le constituant essentiel des cellules,
l’eau remplit plusieurs fonctions :
- elle participe aux nombreuses réactions
chimiques dont le corps humain est le siège,
- elle assure le transit d’un certain nombre de
substances dissoutes indispensables aux cellules,
- elle permet l’élimination des déchets
métaboliques,
- elle aide au maintien d’une température
constante à l’intérieur du corps.
L'HYGIENE ET LA SANTE
Les usages
dits domestiques de l’eau sont très variés. Outre de la boire, les hommes
utilisent l’eau quotidiennement pour leur hygiène et les taches ménagères de
nettoyage, rinçage, cuisson ou arrosage. Pour la plupart, ces usages exigent
une eau de qualité.
Se laver régulièrement le corps, et notamment les
mains, avec une eau non souillée est un acte fondamental d’hygiène en cela
qu’il protège des maladies dues aux bactéries et aux microbes, et permet ainsi
d’enrayer leur propagation.
(C.N.R.S.)
Au cours de l’histoire.
À l’époque romaine,
les thermes étaient très répandus et très prisés : on
venait y prendre des bains et y discuter.
Mais au XVe siècle,
considérés comme des lieux de plaisirs propices à la prostitution, les bains
sont fermés. Les vertus hygiéniques de l’eau sont remises en cause et l’eau
commence même à être jugée néfaste pour le corps. On privilégie alors la
toilette sèche, qui consiste à utiliser toutes sortes d’onguents, de poudres,
de crèmes ou de pommades, et l’on s’habille de vêtements propres.
(P. Cornut)
coexistent trois systèmes « classiques » d’approvisionnement en eau.
- Les puits privés ou publics
permettant de capter l’eau des nappes aquifères.
- On utilise également l’eau des sources (émergence des nappes
aquifères en surface) en les reliant à des fontaines, soit directement à
l’émergence, soit plus en aval en utilisant des embryons de systèmes
d’adduction constitués de canalisations rudimentaires en bois, en poterie ou
ultérieurement, en plomb.
- Enfin, il existe des réservoirs récoltant les eaux de pluie ou les eaux de ruissellement,
qui servent essentiellement à l’alimentation des animaux ou à la lutte contre
les incendies.
- Notons également que des porteurs ou porteuses d’eau acheminent,
moyennant paiement, l’eau des puits et fontaines publics jusqu’aux
foyers aisés.
Ces modes d’approvisionnement sont évidemment loin
d’être parfaits : débit des fontaines souvent irrégulier, tarissement de
nombreux puits à la suite de sécheresse ou de surexploitation et enfin,
pollution de plus en plus sensible des nappes aquifères par les diverses
activités humaines.
C’est pourquoi dans les villes, les autorités communales s’attachent dès la fin du XVIIesiècle à étendre les systèmes classiques en allant parfois jusqu’à capter de
l’eau extra-muros.
À Bruxelles par exemple, la
Ville développe le captage de sources à Saint-Gilles afin d’approvisionner les
quartiers de la ville haute comme le Sablon, nouveau site privilégié de la
haute bourgeoisie et de la noblesse.
Sous l’influence de la Réforme (16ème s.), la nature et les eaux
courantes sont pour la première fois considérées par une certaine partie de la
société exclusivement comme une ressource disponible et exploitable.
C’est également à cette époque que l’appropriation individuelle du
sol ou des éléments de la nature est présentée comme nécessaire à
l’amélioration de la productivité. Enfin, au 16ème siècle, la réhabilitation
des écrits des médecins grecs et romains permet de reposer le problème de
l’insalubrité de l’air des marécages.
Le rapport homme/eaux courantes que l'on trouve dans
les sociétés européennes avant le 18ème siècle : ainsi que Guillerme l’a
expliqué, dans les sociétés indo-européennes, l’eau n’est utile à l’homme que domptée, conduite, dirigée.
Les trois systèmes d’approvisionnement
cités, utilisés en Occident jusqu’au milieu du XIXe
siècle, présentent deux caractéristiques fondamentales.
En premier lieu,
la plupart d’entre eux sont pris en charge par les autorités communales
qui, depuis le Moyen Âge, sont compétentes en matière de propreté et salubrité
publiques (compétence d’ailleurs officialisée à la Révolution française par des
actes législatifs).
En second lieu,
malgré la gestion publique locale, l’approvisionnement en eau reproduit les
inégalités sociales : les ouvrages hydrauliques sont avant tout destinés
aux privilégiés. Par exemple, la Ville de Bruxelles concède de nombreuses
prises d’eau sur les conduites publiques à certains nobles, riches bourgeois,
hauts fonctionnaires, officiers ou institutions ecclésiastiques, souvent à
titre gracieux.
En outre, les classes aisées disposent souvent de
moyens d’approvisionnement privés, comme des puits construits avec leurs
propres deniers. Les politiques volontaristes et innovatrices en matière
d’approvisionnement menées par certaines communes urbaines sont d’ailleurs
souvent liées à un souci de prestige et de promotion de la ville au sein des
réseaux urbains en croissance à la fin de l’ancien régime.
La victoire politique de la bourgeoisie en 1789
entraîne un bouleversement profond de la pratique sociale des eaux courantes.
(J-P Haeghe)
En 1790, la Révolution française a attribué aux communes la
responsabilité de la distribution de l'eau sur leur territoire. C'est la
première disposition légale concernant l'eau.
Un cadre territorial et institutionnel est fixé pour l'administration du
réseau hydraulique : les services centraux dirigent les rivières navigables et
flottables, tout le reste du réseau entre dans le domaine des services
départementaux (dans les deux cas monopoles du corps des Ponts et Chaussées).
La règlementation unitaire se substitue aux usages locaux, volonté d'uniformiser
et de stabiliser tout le réseau hydraulique.
Arsenal juridique symbolique : peu d'impact sur les réalisations concrètes.
La période Révolutionnaire est fondamentalement une rupture qui permet
une nouvelle donne.
C'est une rupture juridique.
Des droits d’usages des cours d’eau qui étaient jusqu’alors fortement imprégnés
des privilèges nobiliaires et ecclésiastiques disparaissent.
L’individualisme radical égalitaire appliqué à la propriété exclusive du
sol s’étend aux eaux courantes au dépend des formes d’autocontrôle de l’ancien régime
; les usages locaux qui régulaient les cours d’eau en seront bouleversés. L’eau
quitte le droit féodal pour entrer dans une nouvelle législation qui s’inspire
du droit romain.
Pour les eaux courantes, comme pour le sol, la
question de l’appropriation exclusive devient fondamentale, mais cette
notion étant difficile à définir et encore plus à faire accepter, son contour
restera très flou jusqu’à la fin du 19ème siècle.
La
Révolution pose les bases de la marchandisation
Les connaissances nouvelles et les techniques
développées au 18ème siècle auront
aussi une influence fondamentale. Ainsi, cette période voit les premières lois
formalisées d’écoulement de fluides et
l’amélioration
des méthodes de cartographie donneront aux ingénieurs
les outils essentiels qui permettront le développement de
techniques hydrauliques efficaces.
La circulation atmosphérique de l’eau sera mise en
évidence et le concept de bassin
hydraulique se vulgarisera parmi les élites
scientifiques. Influencés par la conception newtonienne d’un univers mécanisé
et ordonné les ingénieurs agronomes et médecins "condamnent les excès des
eaux courantes " et préconisent leur domestication.
Tout converge vers la volonté de: " récupérer
les eaux utiles et chasser les eaux nuisibles, éviter les engorgements et la
stagnation, améliorer la circulation des eaux courantes".
Les agronomes et les physiocrates renouvellent l'intérêt pour les eaux
courantes qu’ils considèrent comme la pièce maîtresse du développement économique.
C’est dans les grandes villes, comme l’ont montré
Goubert et Guillerme que se met en place le mécanisme qui va permettre une
première étape de la marchandisation, elle concerne l’eau de boisson.
*les nouvelles lois tentent d’imposer un caractère
incontournable à l’appropriation exclusive et individuelle de certains usages
des eaux, et cela au détriment des solidarités liées à la riveraineté.
On peut donc dire que la Révolution pose les bases de la marchandisation
des eaux courantes:
*l’Etat définit des normes qui tendent à
fonctionnaliser les rivières et s’adjoint les compétences d’experts chargés de les
stabiliser pour une utilisation rationnelle et efficace.
Les révolutionnaires gardent une représentation de la nature issue du
18ème siècle qui détermine leurs principes d’intervention : ils veulent
améliorer la circulation des flux, évacuer rapidement vers l’océan les eaux
stagnantes des marais et étangs, régulariser le cours des fleuves jusqu’à leur
embouchure.
Ils reprennent les idées physiocratiques selon lesquelles l’eau
est une pièce maîtresse du développement économique ; le réseau
hydrographique va être envisagé presque exclusivement du point de vue de ses
usages agricoles jusqu’au programme de canaux proposé par Becquet.
Le recours à l’eau pour la toilette ne réapparaît
qu’à la fin du XVIIIe siècle.
Sous l'empire seront fixées les
limites de la propriété privée quand elle est confrontée avec l’utilité
publique.
Les eaux courantes sont
progressivement assimilées à leurs fonctions productives
(J-P Haeghe)
La Restauration et le début du Second Empire
sont les périodes pendant lesquelles s’intensifie la
fonctionnalisation du milieu aquatique terrestre.
Les eaux courantes sont progressivement assimilées à leurs fonctions
productives.
L’eau devient un "outil"
indispensable à l’industrialisation et à la "régénération" de
l’agriculture. Il s’agit de renforcer
par une artificialisation croissante ses propriétés économiquement utiles en
réduisant ses variations pour en faire une fonction stable.
Ce n’est cependant qu’au XIXe
siècle que l’on commence à s’intéresser à la qualité de
l’eau, notamment en France, suite aux dramatiques épidémies de choléra
qui sévirent au cours de la première moitié de ce siècle, tuant des dizaines de
milliers de personnes.
Dès 1817, le programme Becquet qui propose de constituer un réseau
cohérent pour la navigation intérieure, marque le début de ce processus.
L’état, malgré ses réticences à payer, fera un effort financier considérable
pour creuser des canaux, régulariser les grands fleuves, construire des quais à
la place des grèves dans les villes. Cette priorité accordée à la
navigation intérieure imprégnera longtemps la mentalité des ingénieurs des
Ponts et Chaussées qui auront tendance à négliger les autres usages des eaux
courantes qu’ils considèrent souvent comme moins nobles, car moins sujets aux
prouesses techniques. En effet, certains canaux seront de véritables
laboratoires d’hydraulique théorique et appliquée.
Cela aura pour conséquence une faible prise en compte
des besoins et des pratiques effectives, une valorisation excessive du
potentiel technique ou une importance plus grande donnée à l’outil
réglementaire.
Cette attitude est essentiellement le fait des ingénieurs des services
centraux. En effet, d’après nos études les ingénieurs ordinaires des services
départementaux sont souvent plus proches des réalités du terrain et tiennent
compte des pratiques des riverains. Ils se présentent comme des
"guides" serviteurs de l’Etat, chargés de diffuser la modernité. Dans
le cas des services que nous avons étudiés, ils font un travail considérable
(de collecte statistique et d’expérimentation locale). Il serait intéressant, à
travers l’analyse du fonctionnement d’autres services hydrauliques, de voir
comment à travers eux se fait l’intervention de l’Etat.
Il y a inflation du discours mais peu de réalisations
concrètes
Le petit nombre d’aménagements hydrauliques réalisés de la Monarchie de
Juillet au début du Second Empire et leur faible envergure, confirme notre
hypothèse selon laquelle il y a inflation du discours mais peu de réalisations
concrètes. En effet, l’action publique et individuelle est alors hésitante car
elle est confrontée à des blocages de différentes natures :
Incertitudes juridiques : les mesures relatives à
l’appropriation privée des usages des petites rivières et à leur tutelle
administrative prises pendant la Révolution sont incomplètes et la loi du 7
septembre 1807 est plusieurs fois remise en cause.
Blocages financiers :
les travaux qui paraissent être d’utilité publique (endiguement, entretien des
marais, réseaux primaires d’irrigation) entraînent un débat récurrent sur
l’intervention financière directe de l’Etat. L’initiative la plus importante
revient au secteur privé ; mais le grand capitalisme foncier, échaudé par des
échecs, finit par abandonner ce secteur, ce qui contribue au
fractionnement des aménagements hydrauliques ; le modelage résulte alors d’une
multiplicité de décisions issues d’individualités ou de petites associations
d’usagers. La seule cohérence provient de la prise en charge
financière par les conseils généraux ou les municipalités d’une partie des
réseaux.
Blocages institutionnels : la tutelle administrative sur ces usages de l’eau
s’impose difficilement. Elle se heurte à des discordances au sein
des corps techniques ("sensibilités
agronomiques" s’opposant aux tenants des travaux publics
"purs") ; aux débuts de rivalité entre services administratifs
(Travaux publics contre Services agricoles qui veulent leur autonomie et la
maîtrise des cours d’eau non navigables) ; aux réticences des usagers à
appliquer la réglementation et à accepter le contrôle de l’administration
exercé
par l’intermédiaire des associations syndicales hydrauliques.
Le contrôle institutionnel se matérialise
essentiellement par la mise en place d’un nouveau découpage
territorial : les associations syndicales hydrauliques. Elles regroupent, hors du cadre administratif
communal, tous les riverains d’un bassin hydraulique, ceux d’un réseau
d’endiguement contre les crues, ou de canalisation.
Cette nouvelle territorialisation créée sous la
Révolution, était destinée à l’origine à donner un cadre légal au regroupement
communautaire des usagers des eaux ;
elle sera reprise avec d’autres objectifs dans les années 1830 par les sociétés
d’agriculteurs et les agronomes. Elle est soutenue par la
bourgeoisie foncière car elle permet aux
notables locaux et aux grands propriétaires d’imposer des aménagements à leurs
métayers ou aux petits propriétaires. Elle est utilisée par les ingénieurs des
Ponts et Chaussées, responsables des services hydrauliques, car elle conforte
leur monopole d’expertise sur les eaux non domaniales.
Donc promue par un milieu social et un corps
administratif.
Tous ces échecs, ces blocages, toutes ces inerties et
ces rivalités contribuent pourtant à mettre en place l’objet "eau",
car ils tendent à fractionner les usages utiles des eaux. Il sera ainsi plus
facile de les stabiliser avec des lois et des experts, faute de pouvoir
totalement en avoir la maîtrise physique. On le voit, l’Etat joue un rôle
essentiel même par son désengagement ou ses hésitations. Il contribue à
façonner les nouvelles représentations sociales des eaux courantes à
savoir : une juxtaposition d’usages économiques.
Il a fallu attendre la seconde moitié du XIXe siècle
et les progrès de la microbiologie pour que peu à peu se mette en place un
cadre légal, destiné essentiellement à lutter contre les épidémies d'origine
hydrique et à protéger la santé publique. On connaît la phrase de Pasteur :
"Nous buvons 90 % de nos maladies."
1840 - 1850
: mise en place des structures normatives et institutionnelles qui permettront
aux eaux courantes de devenir un objet économique.(selon J-P Haghe / EHESS)
La qualité de l'eau de Paris
dans la deuxième moitié du XIXe
siècle
(d'après L.Lestel)
C'est sous le Second Empire qu'est élaboré le schéma d'organisation du
réseau de distribution et d'assainissement de l'eau à Paris.
En 1853, Haussmann confie à l'ingénieur Belgrand la tache de
réaliser un réseau moderne qui puisse répondre aux nouveaux besoins de la ville
du XIXe siècle: une alimentation en eau indépendante des sources locales (rivières,
puits) souvent contaminées, un accroissement de la consommation domestique
qui s'additionne à l'augmentation de la population, des prélèvements
croissants de la part d'industries en expansion qui exigent des eaux de qualité
constante et contrôlée (Guillerme, 1985, Goubert, 1986, Cébron de Lisle,
1991).
L'eau "potable" provient alors du canal de l'Ourcq, au nord de
Paris (construit entre 1802 et 1839), et de la Seine. En 1860, commencent les
travaux d'adduction de la Dhuis et de la Vanne.
Les premiers sont achevés en 1865, les seconds en 1874. La quantité d'eau disponible est ainsi décuplée
depuis le début du siècle.
Une grande partie de cette eau (environ 60 %) étant réservée aux
usages publics (arrosage des rues, …), seule une fraction de cette eau sert
pour les usages privés (alimentation en eau potable, prélèvements d'eau pour
l'industrie), soit environ 35 l par habitant et par jour selon Figuier,
deux fois moins que la consommation londonienne à la même époque (Figuier,
1873, p.318, Barles, 2002).
Le problème n'est cependant plus alors la quantité d'eau
disponible mais sa qualité: jamais l'eau de la Seine n'a inspiré autant
d'inquiétude. D'après les analyses réalisées depuis le début du siècle, au gré
de commissions souvent composées de chimistes: Thénard, Hallé et Tarbé en 1816,
Vauquelin en 1829, Boutron et Henry, à la demande de l'administration
municipale de Paris en 1848, le tournant a lieu à la fin des années 1840. L'eau
de la Seine, jusque là remarquée pour sa pureté, subit une
dégradation marquée sous l'effet conjugué de la montée en puissance de l'industrie
parisienne, dont les rejets ont déjà condamné la Bièvre, et de la
réalisation du réseau d'égout. Les eaux de l'Ourcq, qui servent à la fois au
trafic fluvial et à l'alimentation en eau potable n'ont pas meilleure
réputation.
D’autre part, le premier plan d'ensemble du réseau d'assainissement
de Paris est mis en place à partir de 1856 (Jacquemet, 1979,
Barles 1999 et 2002). Le projet consiste à réunir les eaux de Paris dans des
collecteurs profonds qui conduisent les eaux dans la Seine au niveau de Clichy.
Ce réseau qui accueille à ses débuts les eaux de surfaces (pluviales) et les
eaux ménagères, reçoit, à partir de l'arrêté préfectoral du 2 juillet
1867, les eaux-vannes auparavant récupérées dans les fosses d'aisances, ces
cuves "étanches" établies sous les maisons et dont le contenu, vidé
régulièrement, est utilisé comme engrais.
En novembre 1868, la mise en service
d'un émissaire en siphon sous la Seine qui permet aux eaux de la rive
gauche de la Seine de rejoindre les eaux de la rive droite provoque une
dégradation supplémentaire de la qualité de l'eau de la Seine. Ainsi, l'amélioration
de la distribution d'eau s'accompagne par une pollution, à une échelle inconnue
jusqu'alors, du fleuve où l'on s'approvisionne. Il convenait donc de se
doter d'instruments permettant de rendre compte de la dégradation de l'eau à sa
disposition.
Les premières distributions modernes : innovation
technologique et inégalité d’accès
(d'après Pierre Cornut)
Les deux principes de gestion
communale et d’inégalité d’accès restent d’application par la suite, même
lorsque les premières distributions modernes d’eau potable sont
mises en place.
C’est à partir du milieu du XIXesiècle que celles-ci touchent les
grandes villes belges. Ces distributions sont « modernes » en ce sens que leur
ambition est de résoudre de manière définitive et complète le problème d’approvisionnement
des villes et que du point de vue technologique, leur envergure dépasse tout ce
qui avait été mis en place et imaginé auparavant.
L’innovation technologique se résume en trois points.
D’abord, l’eau est captée à grande
distance du centre ville, afin de la trouver en
quantité et qualité suffisantes.
Ensuite, elle est acheminée par de longs aqueducs
en pente douce vers des réservoirs-châteaux d’eau situés dans les
parties hautes de la ville.
Enfin, elle est distribuée directement à l’intérieur
des habitations suivant le principe des vases communicants, via un réseau
de canalisations souterraines situées le long de chaque artère de la ville.
Ces principes sont encore d’actualité, la principale
innovation technique ultérieure étant l’utilisation de conduites
d’adduction fermées sous pression, d’abord pour le passage des vallées
(siphon) et ensuite, grâce à l’évolution des matériaux de construction, sur
toute la longueur des conduites.
C’est en adoptant ces techniques que la Ville de
Bruxelles met en place sa première distribution moderne d’eau potable en
1855, le système du Hain.
1880 expansion secteur force
hydraulique, l'irrigation aussi
1884, le tout-à-l'égout est rendu obligatoire à Paris.
1885, une circulaire ministérielle entérine un programme établi par le
Comité consultatif de l'hygiène publique et préconise de compléter l'analyse
des eaux par un examen microscopique.
Le contexte des années 1880 contribue à modifier
l’organisation des usages des eaux courantes.
(d'après J-P Haeghe)
La
crise
agricole, l’intérêt nouveau des banques et des sociétés de
travaux publics pour les réseaux d’eau, les rivalités politiques entre
républicains et conservateurs entraînèrent une accélération de l’aménagement
des eaux pour l’agriculture.
Deux changements importants
interviennent :
1 - De nouveaux rapports s’instaurent entre l’Etat et le
monde paysan. Le gouvernement de 1881
crée un ministère propre à l’agriculture. Les aménagements hydrauliques
(surtout l’irrigation) seront largement subventionnés par ce nouveau ministère
qui aura une politique très dynamique dans le midi touché par le phylloxera
puis le mildiou (la submersion des vignes est utilisée comme traitement).
Jusqu’alors ce secteur faisait surtout l’objet de l’intervention réglementaire
de l’Etat, mais peu de fonds publics lui étaient octroyés. Une volonté plus
interventionniste se dégage.
2 - Un nouvel acteur du privé
se substitue à la bourgeoisie foncière qui abandonne les grandes opérations
d’aménagement agricole qu’elle juge peu rentables; elle redéploie sa stratégie
à l’étranger et surtout dans les colonies. Ce sont les banques
et les sociétés de travaux publics qui prennent le relais.
De nouveaux rapports s’instaurent entre public et privé. Ils
apparaissent notamment dans l’aménagement du canal de la Siagne qui est un des
premiers réseaux contrôlé par la société Lyonnaise des Eaux.
On s’aperçoit que cette gestion privée des eaux (ici pour
l’irrigation et l’eau potable) se développe selon trois axes stratégiques
qui seront repris par toutes les grandes compagnies d’eau jusqu’à nos jours :
*limiter les risques financiers en faisant en sorte que
les collectivités publiques financent au maximum les investissements ;
*obtenir que ces collectivités prennent en charge les déficits ;
*interpréter dans le sens le plus favorable (même abusivement) les
clauses du cahier des charges ou les articles de concession.
Tous ces éléments concourent à la constitution d’une branche
industrielle prestataire de services dont la gestion échappe totalement à la
sanction du marché ; elle travaille sans risque et sa rémunération est sans
lien direct avec ses résultats ; c’est une sorte de capitalisme de rente.
1900, l'examen microscopique est
rendu obligatoire, sans toutefois qu'en soient indiquées les modalités.
(J-P Haeghe)
Le développement de l’hydroélectricité fait
renaître l’idée d’un nouveau découpage territorial reprenant le concept du
bassin hydraulique, mais il intègre tous les usages de l’eau de façon à
constituer une véritable région économique. Le Rhône, réseau "naturel" d’une dimension
suffisante, semblait particulièrement adapté à ce projet qui de plus était
appuyé par un puissant mouvement régional.
En 1920,
des référents nouveaux et des enjeux déterminants pour le futur sont présents : la force motrice des
eaux est devenue un bien et connaîtra un essor extraordinaire ;
tous les usages hydrauliques sont segmentés en filières disposant de groupes de
pression et d’un corps d’expertise qui dirigera le discours permettant d’en
définir l’image et les normes; la gestion intégrée de tous les usages commence
à s’organiser au niveau des bassins (CNR) ; dans les colonies, l’irrigation est
prise en charge avec profit par de grandes sociétés de travaux publics liées
étroitement aux banques et aux compagnies coloniales; un seul corps technique,
celui des Ponts et Chaussées, domine l’expertise technique des eaux courantes ;
enfin, dans l’hydraulique agricole la valeur de l’eau n’est plus envisagée par
rapport au foncier, on assiste à une prise en compte de plus en plus forte de
sa valeur intrinsèque.
En 1920 sont mis en place les bases essentielles qui vont permettre la
marchandisation de tout le cycle terrestre des eaux courantes en France.
Des groupes industriels commencent à organiser chaque nouveau marché. Il ne
reste plus aux usagers qu’à intégrer peu à peu ces nouvelles normes de
consommation.
Au début du XXème siècle 7 paramètres caractérisait
la potabilité de l'eau, 64 en 1989 et plus de cent en 2003
En 1902, la loi sur l'hygiène de l'eau précise que les maires
"sont tenus de déterminer les prescriptions relatives à l'alimentation en
eau potable et à l'évacuation des matières usées".
En 1958, une ordonnance ministérielle fait obligation à
"quiconque offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine [...]
de s'assurer que cette eau est propre à la consommation". Cette
obligation est aujourd'hui intégrée au code de la santé publique (article L.
19).
Les usages de l'eau se sont intensifiés et les volumes utilisés par
l’homme ont décuplé depuis le début du XXe siècle.
À Paris, par exemple, la consommation est 35 fois plus élevée
aujourd’hui qu’au XVIIIe siècle ! Mais si l’entrée de l’eau dans les maisons
en a favorisé la consommation, celle-ci s’est aussi considérablement accrue
avec l’installation progressive de tout un confort moderne : le lavabo, la
douche puis la baignoire, le tout-à-l’égout et les toilettes. Plus récemment
lave-linge et lave-vaisselle ont également contribué à cette accélération.
(C.N.R.S.)
Bien que très difficile à
évaluer du fait de la multiplicité des usages, la consommation totale en
eau domestique dans le monde est estimée en moyenne à 40 litres d’eau
par jour et par habitant. Mais, alors qu’en moyenne un agriculteur
malgache consomme 10 litres d’eau par jour, un Parisien a besoin
de 240 litres d’eau pour son usage personnel, le commerce et l’artisanat
urbains, et l’entretien des rues. Quant au citadin américain, il
consomme plus de 600 litres !
Malgré cette augmentation
vertigineuse, la consommation d’eau domestique, loin d’être négligeable, n’est
pas la plus importante.
Les plantes sont essentiellement
constituées d'eau : de 80 à 95 % de leur poids total. Elles puisent cette eau
et les nutriments qui leur sont nécessaires dans les sols par l’intermédiaire
de leurs racines dans lesquelles l’eau pénètre par un mécanisme hydrostatique.
L’eau et les nutriments minéraux constituent ce que l’on appelle la sève.
Mais, à la différence des animaux, les végétaux ne possèdent pas de pompe pour
faire circuler cette sève : c’est la transpiration foliaire qui la fait monter
le long des tiges, des racines jusqu’aux feuilles. Car sous l’action de la
chaleur fournie par le rayonnement solaire, les feuilles des végétaux
transpirent. Ce phénomène très important est appelé l’évapotranspiration.
L’accroissement des besoins alimentaires résultant de
l’augmentation de la population mondiale et grâce au développement de nouvelles
techniques, l'usage de l'eau s’est considérablement accru, et la superficie des
surfaces cultivées a beaucoup augmenté. Ainsi, la consommation mondiale
d’eau agricole a-t-elle été multipliée par six entre 1900 et 1975.
L’agriculture est aujourd’hui
le secteur d’activité qui consomme le plus d’eau : les trois quarts de tout
le volume d’eau consommé dans le monde sont en effet utilisés à des fins
d’irrigation.
De surcroît, la majeure partie de toute cette eau est perdue par
évaporation avant même d’avoir servi.
En raison de ses propriétés
particulières, l’eau est devenue la bonne à tout faire du monde industriel.
Toute l'eau utilisée par l'industrie n’est pas forcément consommée. En
France notamment, où l’industrie nucléaire est très développée, environ 60
% des prélèvements d’eau, en volume, servent au refroidissement des centrales
nucléaires.
Dans les pays
industrialisés, en revanche, la consommation d’eau industrielle n’a
fait que croître depuis la révolution industrielle du XIXe siècle. Elle aurait
été multipliée par 20 en France entre 1900 et 1975. Elle est aujourd’hui
en moyenne équivalente à la consommation d’eau agricole.
(d'après L. Lestel)
lDepuis le XVIIIe siècle, l’analyse d’une eau,
quelle soit de source ou de rivières, comprend la pesée et l’analyse du
résidu solide obtenu par évaporation à sec. Dans une eau « normale », ce
résidu représente de 0,1 à 0,5 g de matière par litre d’eau. Typiquement, on y
recherche du sulfate de calcium, des chlorures de potassium, sodium ou de
calcium, des traces de nitrates. Quelques sels insolubles dans l’eau dont le
gaz carbonique a été éliminé par ébullition sont également séparés : carbonate
de calcium, phosphate de calcium et silice (Troost, 1884, Bordas, 1904).
méthode d’analyse, susceptible de changer la nature des constituants
lors de l’évaporation à sec.
A partir de 1854, est introduite la mesure
du degré hydrotimétrique. Il s'agit de mesurer la dureté ou, comme on
l'appelle alors, la crudité de l'eau, en déterminant la quantité de sels
minéraux qu'elle contient selon la méthode mise au point par le chimiste
écossais Thomas Clark (1801-1867) en 1841. Elle-même dérivée du système
d'analyse par les volumes de Gay-Lussac et Descroizilles, système qui a déjà doté
l'industrie de l'alcalimètre, cette méthode consiste à faire mousser une
solution alcoolique de savon dans l'eau à tester. Plus l'eau est
"crue", plus elle contient de sels calcaires et magnésiens, plus il
faut donc ajouter du savon avant que ce dernier ne parvienne à former de la
mousse. La méthode est transposée en France par Antoine Boutron et Félix
Boudet, tous deux membres du Conseil d'Hygiène du département de la Seine, sous
le nom de procédé hydrotimétrique.
ne suffit pas à qualifier une eau. En effet, l'eau de
l'Ourcq est, selon ce critère, de bonne qualité, or en 1870 « la corruption des
eaux du Canal de l'Ourcq dépasse toute limite […] Examinée dans la plaine de
Pantin, cette eau se présente comme un liquide stagnant, alternativement
jaunâtre, verdâtre et noirâtre, et ressemble plutôt à un ruisseau de purin de
ferme qu'à l'eau d'un canal » (Figuier, 1873, p.155).
à l'évidence, contrairement à ce qu’ont cru ces premiers analystes,
cette mesure : « On doit considérer le dosage de l’essai hydrotimétrique comme
un moyen commode de comparaison, et c’est à ce titre seul qu’il mérite
d’être conservé dans les tableaux d’analyses » (Bordas, 1904).
Au début du XXe siècle, le degré hydrotimétrique est remis à sa place
L'impact négatif manifeste du rejet de matières organiques par les
égouts sur la qualité des eaux de rivières conduit à développer des méthodes
spécifiques de dosage. En 1858 Monnier met au point un
premier dosage basé sur l’oxydation de la matière organique par le
permanganate de potassium. Gérardin, docteur es sciences et inspecteur des
établissements classés du nord du département de la Seine, fait alors
l’hypothèse que la matière organique est susceptible de réagir avec l’oxygène
contenu dans l’eau de rivière. Il trouve en effet que les eaux « que l’opinion
publique regarde comme notoirement infectes » ne contiennent pas d’oxygène.
Pour mesurer plus commodément l’oxygène dissous sur les lieux mêmes des
prélèvements et s’affranchir ainsi des contraintes de températures et de
pression, il utilise la réaction très rapide de l’oxygène avec l’hydrosulfite
de sodium, procédé qu’il met au point avec Paul Schützenberger, alors
directeur-adjoint du Laboratoire des Hautes Etudes de la Sorbonne (Gérardin,
1874). Il peut ainsi montrer l’influence de Paris et du collecteur de Clichy
sur la qualité de l’eau de la Seine (Tableau 2) (Figuier, 1873). La mesure
du taux d’oxygène représente donc un moyen chimique relativement simple de
connaître la quantité de matière organique de l’eau et donc sa pureté, moyen chimique
que Gérardin trouve plus fiable que les observations au microscope dont il
était pourtant coutumier.
1860, Lefèvre rapporte à l'Académie des Sciences les cas
d'intoxications saturniques survenus à bord de plus de 20 navires où l'eau
était conservée dans des réservoirs en plomb. Le docteur Aristide Reinvillier
publie son Empoisonnement des eaux potables par le plomb en 1870, où il
espère prouver que "l’influence pernicieuse du plomb sur les populations
n’est pas moins importante, ni moins funeste, que celles du tabac et de
l’absinthe". Le plomb est soudainement considéré comme le responsable
potentiel de quelques épidémies d’origine hydrique jusque là incomprises, ce
qui nous donne l’occasion de nous pencher sur les acteurs qui prennent part à
la « guerre au plomb » des années
1873-74.
En juin 1873, E. de Laval, ingénieur des mines, envoie au Conseil
municipal de Paris une pétition signée par 907 médecins, pharmaciens des
hôpitaux, professeurs,… en vue d'obtenir la proscription des tuyaux en
plomb pour la distribution des eaux destinées aux usages alimentaires. Ces
tuyaux sont en effet considérés comme la seule source possible du plomb. Au
31 décembre 1873, Paris est équipée de 1 333 km de conduites publiques en
fonte, contre 63 km en tôle bitumée et 3 km seulement de conduites en plomb
auxquelles il faut rajouter 4 km environ de petites canalisations en plomb2.
Par contre les branchements qui relient les conduites publiques aux orifices de
puisages (fontaines ou robinets des particuliers) sont, à quelques exceptions
près, tous en plomb. La longueur moyenne en est estimée à 40 m pour les 39500
abonnés aux eaux de Paris, soit une longueur totale de 1580 km de conduites
en plomb pour l'ensemble de ce réseau (Belgrand, 1873). Les canalisations en
plomb appartiennent donc, en large majorité, aux particuliers et non au réseau
public.
L’action de l’eau sur les conduites en plomb est traitée en 14 notes
publiées en quelques mois dans les Compte-rendus de l’Académie des Sciences par
des chimistes de renom,...
experts sollicités par le Conseil d’hygiène publique et de salubrité du
département de la Seine
Contre : premier argument avancé par les experts est celui de l'appel au passé
et de l'érudition: les canalisations au plomb existent depuis les Romains et
les canalisations publiques étaient réalisées en plomb en France jusqu'à la
généralisation des conduites en fonte à la fin du XVIIIe siècle. Or « depuis
ces temps si reculés, personne, jusqu'ici n'avait vu le moindre danger dans cet
emploi du plomb » (Belgrand, 1873). Expériences, démonstrations publiques...
deuxième argument est celui de la longue durée: outre que c'est le
même matériau qui est utilisé depuis les Romains, les canalisations anciennes
sont une preuve directe que le plomb résiste au temps.
De plus il est constaté que les canalisations se revêtent, à
l'intérieur, d'une croûte mince et adhérente de limon ou de calcaire, de sorte,
en définitive, que l'eau qui passe dans les tuyaux n'est plus en contact direct
avec le plomb. Cet état de fait est général à Paris, comme peut le constater
Belgrand lors de sa visite du dépôt de vieux plomb de l'entrepreneur des
travaux d'entretiens de la ville de Paris, M. Fortin-Hermann.
Le débat tourne cependant à la querelle d'experts.
Pendant ce temps, la ville de Paris accepte les résultats de ces experts
et conclue dès octobre 1873 qu’il n’est pas nécessaire de s’alarmer, d’autant
plus que le Préfet de la Seine est convaincu que cette agitation n’est due qu’à
un seul homme, ayant des intérêts dans une fabrique de tuyaux de plomb doublés
d’étain, une innovation technique qu’il souhaitait promouvoir (Conseil
Municipal de Paris, 1873).
Il semble acquis que le plomb contenu dans l'eau
potable de Paris ne présente pas de danger réel, même si Fordos, le pharmacien
en chef de l'hôpital de la Charité, continue de dénoncer quelques niches où
le danger réapparaît. Ainsi, dans les hôpitaux, les bouteilles de verre
destinées à recevoir des liquides alimentaires ou médicamenteux étaient
traditionnellement nettoyés par rinçage avec de l'eau pure, voire de l'eau
distillée, en présence de grenaille de plomb qui sert de grattoir pour décaper
les parois. De même les tonneliers, avant de mettre le vin en bouteilles, « ont
l'habitude de passer celles-ci au plomb » et ne les rincent qu'une seule fois à
l'eau ensuite, ce qui n'est pas suffisant pour enlever le carbonate de plomb
qui s'est formé et qui adhère aux parois. Or, ce carbonate de plomb passe en
solution dans les solutions alcooliques et donc dans le vin, ce qui pourrait
expliquer quelques cas de saturnisme incompris jusque-là (Fordos, 1873).
scientifiques s’emparent du problème marginal de la
présence de plomb dans les eaux potables due à leur passage dans les
canalisations en plomb. Par des méthodes expérimentales peu performantes, et
grâce à des arguments attachés à l’histoire ancienne, ils prouvent que l’eau de
Paris ne contient pas de plomb.
Au milieu du XIXe siècle, la dégradation manifeste de
la qualité de l’eau de la Seine liée aux rejets par les égouts d’eaux
industrielles et d’eaux-vannes conduit à l’adoption de nouvelles méthodes
d’analyses des eaux de rivières : degré hydrotimétrique et dosage des matières
organiques. Les promoteurs de ces nouvelles techniques d’analyses sont des
chimistes impliqués dans la lutte contre l’insalubrité du département de la
Seine.
Au début du XXème siècle 7 paramètres caractérisait la
potabilité de l'eau, 64 en 1989 et plus de cent en 2003
I
LA REGLEMENTATION DE L’EAU EN FRANCE
Déjà, Platon expliquait que: "l'eau est la chose la
plus nécessaire à l'entretien de la vie; elle a donc besoin que la loi vienne à
son secours".
Quelques siècles plus tard: "sept hommes vêtus de
noir s'installent sur de hauts trônes, tous les jours de jeudi devant la
cathédrale de Valence en Espagne. Depuis plus de mille ans, le Calife de
Cordoue, Abderramen III les a nommées juges élus du tribunal des eaux. Ils
veillent à sa distribution équitable… Ils tranchent les conflits sur la
distribution de l'eau". Comme les temps ont changé.
En France, en fonction de l'évolution de notre société un
arsenal réglementaire a vu petit à petit le jour dans notre pays. D'abord d'initiative
strictement française, il s'est enrichi, si l'on peut dire, de directives
européennes dont la mise en application en France s'avère toutefois laborieuse.
Les principales étapes de l'histoire de la gestion de
l'eau:
La loi du 16 décembre 1964 visant à
assurer une meilleure répartition de l'eau et à lutter contre les pollutions,
constitue le fondement du système français de l'eau. Dans cette vision
de gestion intégrée, notons en particulier la création de six circonscriptions
administratives correspondant aux six bassins hydrographiques français. La loi du 16 décembre
1964 qui a créé les agences de bassin a prévu que celles-ci établissent et
perçoivent des redevances, sans donner davantage de précisions. Le décret du 14
septembre 1966 dispose que trois catégories de redevances peuvent être créées :
pollution, prélèvement et modification du régime des eaux.
Le 26 mai 1987, le
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe proclame une charte européenne de
l'eau. La Communauté prend ensuite toute une série de directives concernant
l'eau et sa qualité dont la dernière date du 23 octobre 2000. (voir
ci-dessous).
La loi du 3 janvier 1992, pose
comme principe: "l'eau fait partie du patrimoine commun de la Nation ...
l'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi
que des droits précédemment".
La loi du 2 février 1995, dite loi
Barnier, relative au renforcement de la protection de l'environnement, reconnaît
que: la protection de l'eau, sa mise en valeur, sa restauration et sa remise en
état, sa gestion, sont d'intérêt général ".
La Directive Européenne du 3 novembre 1998, qui
vient d'être "traduite" en droit français par le décret 2001 /1220 du
20 décembre 2001, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation
humaine.
Le décret n° 2001/1220 du 20 décembre 2001 relatif
aux eaux destinées à la consommation humaine, à l'exception des eaux minérales
naturelles.
C'est donc le dernier texte en matière d'eau potable.
Publié le 22/12/2001, il comporte une vingtaine de pages et constitue donc la
nouvelle réglementation concernant les eaux destinées à la consommation humaine
établi par référence à la directive européenne du 3/11/98.
n.d.l.r. :
Ce dernier décret, entré en vigueur depuis le 24/12/2003 a
été intégré au Code de la Santé Publique début 2004 (nouvelle partie
réglementaire). Le décret en tant que référence juridique a été alors abrogé
lors de cette intégration.
La directive
2000/60 du Parlement Européen et du Conseil du 23 octobre 2000, publiée
le 22/12/2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le
domaine de l'eau, texte de plus de vingt pages, sans compter les annexes.
Constitue le dernier texte communautaire sur le sujet.
Il n'est pas
encore en application en France, mais la nouvelle loi française en
préparation sur l'eau, dont la "sortie" est prévue fin 2003, devra
nécessairement tenir compte de ses dispositions en particulier en ce qui
concerne l'écologie, le développement durable, les problèmes liés aux
inondations ...
Enfin, pour être
complet en ce qui concerne l'appareil législatif s'appliquant à l'eau,
rappelons qu'un projet de loi sur l'eau avait été élaboré par le précédent
gouvernement, présenté le 27 juin 2001 en Conseil des Ministres et hélas jamais
voté. Hélas, parce que ce projet contenait certaines dispositions qui allaient
dans le bon sens, en particulier au niveau de la transparence sur la
facturation, la suppression du dépôt de garantie, la réduction de la partie
fixe devant rapprocher le montant de la facture de la consommation réelle, ce
qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le projet prévoyait également de ramener les
contrats communes-sociétés privées à une durée de 12 ans contre vingt, voire
quarante ans aujourd'hui, ce qui constitue d'inacceptables rentes de situation.
Ce texte-projet devait aussi tenir compte du principe pollueur-payeur, les
agriculteurs devant s'acquitter d'une redevance sur les excédents d'azote...
N.d.l.r. : il a finalement été voté un projet de loi sur
l'eau française le 10 janvier 2002 plutôt vide. Le gouvernement Raffarin a décidé d’enterrer dès
son entrée en fonction, en mai 2002, ce projet de loi sur l’eau.
Cf. l'avis de la Cour de Comptes dans son rapport 2003 : "Le projet de loi sur l’eau adopté en première lecture
le 10 janvier 2002 avait choisi, pour restaurer cette égalité, la voie d’une
taxation des excédents d’azote et la réduction progressive des avantages
attachés à la redevance pour irrigation. La question reste pendante, dans
l’attente des dispositions législatives nouvelles."
n.d.l.r. : qu'en termes choisis
ces choses là sont dites
ORGANISATION EN FRANCE
Six zones géographiques nommées
"bassins versants", ou "bassins hydrographiques". Ces six
bassins sont : les bassins Rhône-Méditerranée-Corse, Rhin-Meuse,
Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Adour-Garonne et Artois-Picardie. Ils
correspondent respectivement aux cinq grands fleuves français (Rhône, Rhin,
Loire, Seine et Garonne), auxquels s'ajoute la Somme. À l'intérieur d'un même
bassin, toutes les eaux reçues suivent, du fait du relief, une pente
naturelle commune vers la même mer.
À chaque bassin correspondent deux instances, le Comité de bassin
et l'Agence de l'eau, chargées de gérer et de protéger les ressources en
eau à l'échelle de ce bassin.
Dans chaque bassin, un comité de bassin, "parlement local de
l'eau", élabore une politique de gestion de l'eau conciliant les besoins
du bassin avec les orientations nationales.
Une agence de l'eau est l'organisme exécutif chargé de mettre en œuvre
cette politique. Un préfet et un délégué de bassin coordonnent les actions
menées dans les différents départements et régions du bassin.
Les comités de bassin élaborent des plans d'action nommés SDAGE
(Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux), qui fixent les
orientations fondamentales de la politique de l'eau pour 15 ans.
Deux principes majeurs sont mis en œuvre :
1) la gestion de l'eau doit évoluer vers une gestion des milieux
aquatiques,
2) elle doit donner priorité à l'intérêt collectif.
Il s'agit de garantir un développement durable conciliant le
développement socio-économique avec la préservation des milieux aquatiques et
l'équilibre des usages de l'eau.
Pour élaborer les SDAGE, les comités de bassin s'appuient sur les
avis de commissions où siègent plusieurs milliers d'acteurs et usagers de
l'eau : usagers industriels, agriculteurs et domestiques, associations
de consommateurs, collectivités locales, administration, élus locaux. Avant
d'être définitivement adoptés, les SDAGE sont mis en consultation auprès
des Conseils Généraux, des Conseils Régionaux, de la Mission Interministérielle
de l'Eau et du Comité National de l'Eau et doivent, in fine, être approuvés
par les préfets coordonnateurs de bassin.
Les objectifs communs aux SDAGE des six bassins versants français
sont :
une meilleure maîtrise des conséquences des crues, grâce à une meilleure
connaissance des zones inondables, la poursuite de la lutte contre les
pollutions, l'amélioration de la qualité des eaux de surface, la satisfaction
durable de tous les usages de l'eau, la garantie de l'alimentation en eau
potable, la préservation des milieux aquatiques, la sauvegarde des nappes
aquifères et la protection des zones humides.
Si nécessaire, les priorités des SDAGE sont ensuite déclinées à
l'échelon local au niveau des SAGE, qui concernent des unités hydrographiques
limitées. Le rôle des "Commissions locales de l'eau", organes de
concertation, est alors important.
Les agences de l'eau,
créées en 1964, jouent un rôle clé dans le développement de la politique de
l'eau en France. Ces établissements publics autonomes, sous la double
tutelle du ministère de l'Ecologie et du développement durable et du ministère
du Budget, mettent en œuvre les orientations définies par les comités de
bassin, en vue de protéger les ressources en eau et d'assurer leur
dépollution.
Les agences de l'eau distribuent des aides financières aux
collectivités locales, aux industriels et aux agriculteurs qui s'engagent à
sauvegarder les ressources et la qualité de l'eau. Elles contribuent ainsi au
financement d'opérations d'intérêt collectif pour l'aménagement des ressources
en eau, la lutte contre la pollution et la réhabilitation des milieux
aquatiques. Ni maître d'ouvrage, ni maître d'œuvre, elles apportent leurs
moyens techniques et financiers aux personnes publiques et privées qui
réalisent ces opérations.
Pour subventionner ces opérations, les agences de l'eau perçoivent
des redevances auprès des utilisateurs de l'eau, calculées selon le
principe du "pollueur-payeur", en fonction des quantités de pollution
rejetées et des volumes prélevés. L'action des agences de l'eau est
planifiée sur 5 ans, sous forme de "programmes d'intervention"
qui fixent les priorités d'action et leur financement pour chaque bassin.
Ces programmes doivent
être adoptés par les comités de bassin et approuvés par le Premier Ministre.
Les VIIe programmes
d'intervention des Agences (1997-2001) prévoyaient quelque 105
milliards de francs (16 milliards d'euros) d'investissements, pour environ 51
milliards de francs (7,8 milliards d'euros) de redevances perçues (le reste des
investissements est financé par les collectivités territoriales, les
industriels et les agriculteurs). Les subventions distribuées se répartissent
en aides à la dépollution (47 milliards de francs, soit environ 7 milliards
d'euros) et aides à l'aménagement des ressources en eau (près de 10 milliards
de francs, soit 1,5 milliards d'euros).(source
: CNRS)
L'État n'est pas directement
impliqué dans les usages de l'eau, qui sont le fait des communes ou des
agents qui ont passé des conventions avec l'État (EDF et ses barrages, par
exemple). Mais c'est lui qui, en dernier ressort, détient l'autorité
sur la disposition des ressources en eau.
L'État assure la police des
eaux.
L'État établit les grandes
orientations de la politique de l'eau de la France, qu'il engage
vis-à-vis de l'Union Européenne dans ce domaine.
C'est la direction de l'eau du ministère de l'Ecologie et du
développement durable, créée en 1992, qui programme et coordonne les
interventions de l'État dans le domaine de l'eau, en liaison avec les autres
ministères compétents (Santé, Agriculture et Pêche, Industrie, Intérieur...).
C'est cette direction qui a en charge la police des eaux. Un Comité
interministériel pour l'Environnement, créé en 1993, assure un arbitrage entre
les différentes parties.
L'État peut s'appuyer sur
les avis du Comité national de l'eau, organisme consultatif créé auprès du
Premier ministre en 1965.
Une grande partie de la réglementation française sur l'eau est inspirée
des nombreuses directives de la Commission Européenne. En particulier :
* la directive du 16 juin
1975 fixe les normes de qualité des eaux superficielles destinées à la
production d'eau potable,
* la directive du 8
décembre 1975 concerne la qualité requise des eaux de baignade,
* la directive du 17
décembre 1979 concerne la protection des eaux souterraines contre la pollution
due à certaines substances dangereuses,
* la directive du 15
juillet 1980 concerne la qualité des eaux destinées à la consommation humaine,
* la directive du 21 mai
1991 concerne le traitement des eaux usées urbaines,
* la directive du 14 juin
1991 concerne la protection des eaux contre la pollution due aux nitrates
d'origine agricole
* la directive du 3
novembre 1998 traite de la qualité des eaux destinées à la consommation
humaine.
Ces directives ne s'imposent pas directement aux États membres, mais
elles doivent être traduites dans les droits nationaux dans des conditions et
des délais précisés dans les textes.
D’autre part, la loi du 2 février 1995, qui constitue aujourd’hui
le socle des principes directeurs de la politique de l’environnement, a
consacré le principe « pollueur-payeur », qui crée une rupture
par rapport à la logique mutualiste et solidaire de 1964. Il fonde, en
effet, non seulement le principe de la responsabilité financière individuelle
des pollueurs, mais aussi l’obligation d’une forme de proportionnalité entre le
coût de la dépollution et la taxation individuelle correspondante.
La mise en œuvre de ce principe, qui est énoncé à l’article 174 du
traité sur l’Union européenne, est exigée par la directive-cadre du 23
octobre 2000, laquelle précise de surcroît que les Etats membres devront
établir un mode de tarification incitatif.
Malgré l’adoption de ces textes, la structure des redevances n’a pas
connu d’évolution sensible depuis 1975.(rapport
Cour de Comptes)
Les trois redevances prévues par le
décret du 14 septembre 1966
La « redevance pollution » peut
être réclamée aux personnes publiques ou privées qui rendent l’intervention de
l’agence nécessaire ou utile parce qu’elles contribuent à la détérioration de
la qualité de l’eau.
Son assiette devrait logiquement égaler la pollution
rejetée dans les milieux. En réalité, deux mécanismes sont utilisés pour
aboutir, par différence, à ce résultat. D’une part, la pollution totale émise
motive la perception d’une redevance - dite brute - par les agences auprès des
pollueurs ; d’autre part, la pollution éliminée avant rejet dans le milieu
naturel entraîne le versement d’une prime par les agences aux gestionnaires de
systèmes d’épuration.
La « redevance prélèvement » peut
être réclamée auprès des mêmes personnes lorsqu’elles effectuent des
prélèvements sur la ressource en eau ; cette redevance a généralement deux
composantes, l’une assise sur la quantité d’eau prélevée, l’autre sur la
quantité d’eau consommée (c’est-à-dire prélevée et non restituée au
milieu naturel).
Enfin, la « redevance pour modification
du régime des eaux »peut être réclamée auprès
des utilisateurs d’eau lorsque leurs prélèvements modifient le régime des eaux
dans tout ou partie du bassin (c’est notamment le cas des installations
hydro-électriques).
En guise d'état des lieux, voici la conclusion du rapport 2003 de la
Cour des Comptes concernant le VIIème programme des Agences de l'eau :
"L’exécution du 7ème programme des agences de
l’eau apparaît globalement décevante. Cette appréciation doit bien évidemment
être nuancée selon les secteurs d’activité et selon les objectifs poursuivis,
mais sur plusieurs fronts la situation des ressources en eau ne présente aucune amélioration, et s’est même parfois
dégradée depuis six ans :
- le
taux global de dépollution des rejets urbains n’a que très faiblement progressé
et reste encore loin des niveaux de 80 % affichés par les SDAGE en liaison avec
les échéances de la directive « eaux résiduaires urbaines » ;
- la
contamination des eaux par les pollutions diffuses agricoles s’est poursuivie dans
tous les bassins, sans qu’aucune perspective crédible d’amélioration ne
ressorte des actions déployées ;
- seul
le traitement des pollutions industrielles témoigne de résultats probants,
même si les émissions hautement toxiques, d’une part, et celles des PME,
d’autre part, constituent toujours des enjeux ;
- les
grands principes législatifs qui devraient structurer la politique de
l’eau, tels que l’égalité des usagers devant la ressource, l’action préventive,
la réduction des pollutions à la source et le principe pollueur-payeur ne
sont que médiocrement mis en œuvre, quand ils ne sont pas franchement
contredits.
A juste titre, les agences font observer que la
modestie de ces résultats ne saurait être imputée à leurs seuls programmes
d’intervention : elle résulte aussi – et peut-être surtout – de l’attitude des
maîtres d’ouvrage et de l’efficacité des autres instruments de la politique de
l’eau. Or, les agences n’ont guère de maîtrise sur ces derniers. En effet,
elles sont dénuées de compétences en matière de réglementation et de police,
laquelle est exercée par différents services de l’Etat dans des conditions
d’éclatement et de dispersion qui nuisent gravement à leur efficacité. Ces
lacunes ont déjà été dénoncées par la Cour dans son rapport public particulier
précité consacré au cas de la Bretagne et à la suite de son contrôle sur la
direction de l’eau du ministère chargé de l’environnement."
L'EAU AU LOCAL
Les collectivités locales
choisissent les modes de gestion les plus appropriés pour ces services. Mais
quels que soient les modalités de regroupement de communes et le mode de
gestion retenu, ils restent responsables de la qualité et du coût de ces
services, de leur bon fonctionnement et des techniques utilisées.
Cependant, nombre de leurs décisions sont soumises à l'approbation de leurs
autorités de tutelle.
Les communes peuvent opter :
* Soit pour une gestion ou
"régie" directe de ces services : la commune (ou le
groupement de communes) assure directement le service de l'eau et/ou de
l'assainissement, avec son propre personnel, et se rémunère auprès des usagers.
La collectivité territoriale finance les équipements nécessaires et conserve la
maîtrise des services et de leur gestion.
* Soit pour une gestion
déléguée : la commune (ou le groupement de communes) délègue par
contrat à une entreprise privée l'exécution des services publics de
l'eau. Différents types de contrats sont possibles : affermage,
concession ou gérance, essentiellement.
Dans une concession,
c'est l'entreprise qui finance et réalise les équipements et qui en assure
l'exploitation.
L'affermage (forme de
délégation la plus répandue actuellement), c'est la collectivité qui
finance les équipements, mais elle en délègue l'exploitation à une entreprise
privée, qui se rémunère directement auprès des usagers ; une partie du produit
des factures d'eau revient cependant à la collectivité pour couvrir ses frais
d'investissement.
La gérance, la
collectivité finance les équipements mais elle les confie à une entreprise
mandataire qui agit sous ses ordres et pour son compte.
Dans tous les cas, la collectivité demeure propriétaire des
installations, que celles-ci aient été ou non réalisées et financées par une
société privée.
La plupart des communes
délèguent actuellement ces services à des sociétés privées, car les
savoir-faire, les techniques et les capacités de financement requis, pour répondre
aux exigences croissantes de la législation sur l'eau, sont de plus en plus
complexes et élevés.
En 1995, sur un total de 29 000
unités de distribution de l'eau en France, 2 109 unités desservaient des
collectivités de plus de 5 000 habitants. Elles représentaient seulement 7,7
% des unités de distribution, mais 73 % de la population desservie, soit
environ 42 millions d'habitants.
Parmi ces 2109 unités :
* 24 % étaient en régie
directe ou assistée,
* 74 % étaient en
affermage ou en concession,
* 2 % en modes
d'exploitation divers.
Aujourd'hui, 76 % des Français sont desservis en eau potable par des
entreprises privées en délégation. Les trois principales entreprises
sont : la Générale des Eaux-Vivendi, la Suez-Lyonnaise des Eaux et SAUR
International (Groupe Bouygues).
Quelques scandales récents ont conduit les élus locaux à accroître leur
vigilance. En effet, le manque de concurrence et l'absence de transparence,
dans certaines pratiques des sociétés privées auxquelles les services de l'eau
avaient été délégués, ont constitué autant d'abus sévèrement épinglés par la
Cour des Comptes. Ces scandales ont conduit le législateur à adopter trois
nouvelles lois : les lois Sapin, Barnier et Mazeaud.
(C.N.R.S.)
Le contrôle de la qualité
des eaux d'alimentation est assuré par le Ministère de la santé, de la
famille et des personnes handicapées, via les Directions Départementales des
Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS). Ce contrôle est indépendant
de l'auto-surveillance exercée par les distributeurs d'eau, privés ou publics.
Remarques :
-les exploitants sont censés
garantir en permanence la qualité sanitaire de l'eau qu'ils distribuent. Le
contrôle sanitaire DDASS est une forme de surveillance ponctuelle d'autant plus
fréquente que les volumes produits ou le nombre d'usagers sont importants.
- de la même façon les
exploitants doivent garantir le service
pour lequel ils sont rémunérés. En cas d'interruption de la livraison d'eau sur
un réseau public, une distribution d'eau embouteillée est assurée auprès des
usagers pour pallier à cette carence.
Les résultats des analyses
doivent être rendus publics par affichage dans les mairies et sont disponibles
auprès du service des eaux de la commune.
Pour améliorer la transparence
des informations sur la qualité de l'eau, le ministère chargé de la Santé
rédige des synthèses annuelles en direction des consommateurs de toutes les
communes.
Chaque maire doit désormais
publier un rapport annuel sur le prix et la qualité des services de l'eau de sa
commune. Depuis 1998, la présentation des factures d'eau est clarifiée.
Plusieurs articles de lois sont
venus renforcer le principe selon lequel "l'eau ne doit financer que
l'eau". À terme, il est idéalement prévu que chaque catégorie de
consommateurs d'eau (ménages, industrie, agriculture) finance entièrement ses
propres usages de la ressource en eau.
L'EAU AU
GLOBAL
QUELQUES
DONNEES CHIFFREES
Les prélèvements totaux en eau dans le milieu naturel, en
France, ont été estimés, pour l'année 1995, à 40
milliards de mètres cubes.
Sur ce total, les consommations nettes (volumes
d'eau non restitués immédiatement dans le milieu aquatique ou évaporés)
s'élevaient à 5,6 milliards de mètres cubes, le
reste (34,4 milliards de mètres cubes) ayant été restitué au milieu aquatique
ou s'étant évaporé.
Sur ces 5,6 milliards de mètres cubes d'eau de consommations
nettes :
* 43 %
ont été consommés par l'agriculture, via l'irrigation. Cette
consommation agricole connaît un accroissement rapide, les surfaces irriguées
ayant pratiquement quadruplé entre 1970 et 1997. Il faut, selon les cultures,
de 500 à 4 000 mètres cubes d'eau par hectare en irrigation par aspersion, en
année moyenne.
* 42 %
sont liés à la consommation en eau potable par les collectivités locales.
On estime, en moyenne, que la consommation française en eau potable est de 150
litres par jour et par habitant.
* 7 % ont
été consommés par les activités industrielles. Les
secteurs industriels les plus "gourmands" en eau sont notamment la
métallurgie (il faut 300 à 600 litres d'eau pour produire un kilogramme
d'acier), la chimie, l'agroalimentaire (il faut 300 à 400 litres d'eau pour
produire 1 kilogramme de sucre), les raffineries de pétrole et l'industrie de
la pâte à papier (il faut 40 à 500 litres d'eau pour
fabriquer 1 kilogramme de papier, mais seulement 1 à 10 litres pour fabriquer 1
kilogramme de papier recyclé).
* 8 % ont
été consommés par la production d'électricité. En
réalité, la très grande majorité de l'eau prélevée pour le fonctionnement des
centrales électriques est restituée dans le milieu naturel... qu'elle peut
perturber par sa température plus élevée.
Les prélèvements en eau représentent en France 24 % de la
ressource annuelle disponible : 40 milliards de mètres cube, sur les 170
milliards de mètres cubes disponibles. Ce pourcentage est comparable à celui
d'autres grands pays européens : Allemagne
(25 %), Espagne (29 %) et Italie (32 %). En revanche, l'Irlande, la Suède et la
Norvège ne prélèvent que 2 % de leurs ressources disponibles.
En France, 63 % de
l'eau potable provient des eaux souterraines, et 37 % est produite à partir des
eaux superficielles (eau des fleuves, des
rivières et des lacs). La France compte environ 32 400
captages d'eau potable, dont 96 % sont d'origine souterraine (puits, forages ou
sources), et seulement 4 % d'origine superficielle (lacs ou cours d'eau).
Mais ce sont ces 4 % de captages superficiels qui produisent
37 % de l'eau d'alimentation française.
(Source : C.N.R.S.)
Bibliographie
- Dossier scientifique SagaSciences : "l'eau douce une ressource
précieuse"
Délégation à l'Information
Scientifique et Technique (D.I.S.T.) C.N.R.S.,
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/accueil.html
- Histoires d'eau : Les enjeux
de l'eau potable au XXIème siècle en Europe Occidentale
Pierre Cornut
Editions Luc Pire / Collection
pour les générations futures
http://www.lucpire.be/ebooks/eau/eau.pdf
- Experts et qualité de l'eau de la Seine au XIXe siècle
Laurence Lestel /
C.D.H.T. C.N.A.M. - Paris
http://doris.sisyphe.jussieu.fr/internet/piren/rapports/2002/
theme4_approches_retrospectives/0302-retro_action%206.7-6.8.pdf
- Résumé de la thèse : "Les eaux courantes en France 1789 - 1920 /
Du contrôle institutionnel à la fétichisation marchande "
Jean-Paul Haghe
E.H.E.S.S. 1998
- Rapport de la Cour des Comptes / Chapitre VIII : Ecologie et
développement durable
-1
Les agences de l'Eau
(Rapport du
Contrôle des 6 Agences de l'Eau 2001 - 2003
Analyse du
VIIème programme d'intervention (1997 - 2002))
- Centre d'Information sur l'Eau (C.I.Eau)
http://www.cieau.com/toutpubl/sommaire/index_flash.htm
- Dossier eau potable / Association Régionale d'Ecologie (Béziers)
http://environnement.34500.free.fr
- La désinfection de l'eau
Antoine Montiel
Organisation Mondiale de la
Santé (O.M.S.) - mars 1996